Pas le monde sans Dieu, ni Dieu sans le monde

Publié le par P. Florin Callerand

Dans l’Ecclésiastique (ou Siracide), au chapitre 42ème (Si 42,15-25), vous allez entendre un sage de la Bible, saisi par l’Esprit Saint, qui vous fait part de son expérience. C’est un homme qui vibre, c’est un homme qui est heureux, parce que ses sens sont tellement ouverts sur la création au travers de ce qu’ils en perçoivent, qu'ils sont nourris du créateur… 

Pour l'âme israélite authentique, il y a une impossibilité radicale de prendre le monde sans Dieu et de prendre Dieu sans le monde. C’est cela sans confusion, dans la distinction fondamentale mais au sein de l’intériorité. De même que mon âme est tout entière en moi et vibre jusqu’au bout de mes doigts et de mes doigts de pieds, de même, Dieu est dans le monde et avec le monde et le fait vibrer par le dedans. C’est dans sa vibration intérieure que le monde existe, alors comment trouver l’un sans l’autre ?

Voilà le cadeau d’Israël pour toutes les nations païennes et c'est ce que l'Eglise a à communiquer. L’enseigner en paroles, en théorèmes, en discours académiques ou universitaires, c’est une chose qu'il faut faire, mais en témoigner ! Que l’on ait une Eglise vibrante de Dieu dans le monde et du monde en Dieu ! Et que l’on se sente tous responsables de dire aux hommes : « La vie est belle, elle est pleine de Dieu mais ce n’est pas fini, alors avec Dieu, au travail ! On va faire quelque chose de magnifique pour tous, Ciel en terre ». Il ne faut pas quitter la terre pour aller au ciel. Que l’Incarnation en nous et par nous développe ses vibrations dans tous les champs d’activité de la vie humaine. Ce sera alors la fin sans fin, la gloire établie sur la terre.

Écoutons l'auteur du Siracide (ou Ecclésiastique)

Maintenant, je vais rappeler les œuvres du Seigneur.
Ce que j’ai vu, je vais le raconter
 :

Vous sentez que cet auteur, c’est le maître de saint Jean qui écrit dans son épître : Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons entendu de nos oreilles, ce que nous avons palpé de nos mains du Verbe de Vie, car la vie nous est apparue, oui voilà ce que nous venons vous partager, pour que vous entriez dans notre joie et qu’ainsi notre joie soit complète. Alors le maître de saint Jean vous fait part de sa contemplation de Dieu dans le monde et du monde en Dieu. 

Je vais vous rappeler ce que j’ai vu, je vais vous le raconter :
c’est par sa parole que le Seigneur fait ses œuvres…

C’est par sa parole que Dieu crée, non pas par son ordre et son commandement au bout d'une baguette magique, mais c’est par l’expression de ce qui vit en Lui. Dieu s’exprime et la création est une expression multiple, innombrable de la vitalité secrète et profonde de la Trinité Sainte. Il n’y a pas une créature qui n’ait en soi, un quelque chose participé de la vitalité, encore invisible de Dieu, mais déjà transmise à toutes ses créatures par le dedans. Comme moi maintenant, je fais participer les sonorités qui sortent de ma bouche à ma vitalité intime et profonde. S’il n’y avait rien qui bouillonnait et qui vibrait au fond de moi, qu’est-ce que j’aurais à vous dire ? Je parlerais pour ne rien dire. Ce que vous entendez ici, c’est une Parole qui signifie quelque chose que vous ne voyez pas. Mais ce quelque chose que vous ne voyez pas et qui est le secret de ma personnalité, je vous promets que ça existe ! Sinon, il y a longtemps que vous auriez tous faits vos valises pour repartir. Vous avez ici, une toute petite parabole, minuscule, de ce que Dieu fait partout. Dans cette immense causerie, dans cette immense « racontage » que Dieu fait de lui-même, voilà le soleil !... La lune !... Les étoiles !... Toutes les choses. C’est pourquoi, l’auteur s’en va vous énumérer toute une série de créatures béates d’admiration devant « Dieu avec ».

...c'est par sa parole que le Seigneur fait ses œuvres
et la création écoute son plaisir de bien.

Dieu n’a pas de « bon plaisir », méfiez-vous des mots. Les bons plaisirs à la mode de Louis XIV, les fantaisies de Dieu… « Qu’est-ce que je pourrais faire pour passer le temps dit Dieu ? Un sapin. Tiens demain je vais faire un peuplier. Et je vais faire la race des chênes et après cela, je vais faire les lapins. » Attention ! C’est à partir du dedans que Dieu va faire le bien et faire le bien, pour lui, c’est la communication de sa Bonté profonde qui va se diffuser : le lapin en aura, le peuplier en aura, le chêne en aura, nous en avons, il n’y a pas une créature qui ne soit le plaisir que Dieu prend au bien, de communiquer son bien. C’est cela le fond positif et valable de toute créature, en permanence, c’est ineffaçable.

Le soleil qui brille, on dirait qu’il regarde toutes choses,
l’œuvre du Seigneur est pleine de sa gloire.

Le soleil, c’est une parabole admirable, mais ce n'est qu'une parabole. Donc, ça cloche ! La relation du soleil à la terre, c’est que le soleil est à 150 millions de kilomètres de nous. Supposez qu’au lieu d’être à 150 millions de kilomètres de nous, le soleil soit maintenant, sans les faire fondre, en chacune des pierres de cette chapelle. Supposez que le soleil, sans brûler, soit dans toutes les planches de bois et les poutres de la charpente. Supposez que le soleil, sans nous brûler, ni nous détruire, nous illumine et nous donne part à son ardeur intense, supposez qu’il soit au-dedans de nous. Dieu Soleil du soleil, Vie de ma vie, Pierre des pierres, Dieu est avec ses créatures par dedans. Il ne les détruit pas. Il est comme le soleil par rapport aux créatures mais par dedans. La communication que Dieu ne cesse de faire, c’est cela la création.

C’est cela que l’on perçoit dans le premier don de l’Esprit-Saint, le don d'adoration frémissante : « Mon Dieu, c’est Toi ! Et c’est moi, et c’est Toi ! Et c’est Toi et c’est moi. Nous voici ensemble à tout jamais. Je suis rayonnement de Ta gloire, Tu es brasier ardent de la gloire que je suis, par dedans, avec moi, partout… Dieu ! »

Le Seigneur n’a pas donné pouvoir aux saints
de raconter toutes ses merveilles...

Qui que nous soyons, nous ne pouvons pas tout dire, et c’est pourquoi vous avez ce mystique qui se dit : « On a déjà beaucoup dit de choses sur Dieu et sa création » - pensez à tous les psaumes de David et aux autres – mais moi, je peux dire encore quelque chose de mieux ». C’est comme cela que saint Luc commence son Évangile : « Il y en a déjà beaucoup qui ont raconté la vie de Jésus... c’est curieux, moi il me semble que les choses sont arrivées en moi à un degré de plénitude, de certitude, telles que je me mets au travail et je vais vous raconter moi aussi. » Et il invente un mot : « O Théophile, Bien-aimé de Dieu », c’est comme cela qu’il s’adresse aux chrétiens, ni Matthieu, ni Marc n’avaient trouvé ça ! Luc ramène son grain de sel. Oui je peux dire mieux que Matthieu, mieux que Marc, etc. C’est pourquoi, Jean écrit le dernier et il rapporte encore mieux que Luc. Et nous ? Nous ferons peut-être mieux que Jean, mieux que Luc, il faut de l’audace ! Grignion de Montfort disait : « Les saints de la fin des temps feront pâlir de leur éclat, les saints du début de l’Église », quelle audace ! C'est le progrès à l’infini, car Dieu est inépuisable ! Les saints ont déjà chanté, mais leurs chansons, je sens que je peux faire mieux qu’eux !

Ah ce Dieu maître doux, de tout, a tout établi sur sa solidité, pour que l’univers subsiste dans sa gloire. Il a sondé les profondeurs de l’abîme et du cœur humain, deux abîmes. Le Très-Haut possède toute science, il regarde les signes des temps, il annonce le passé, il pressent l’avenir, il dévoile les choses cachées. Rien ne lui échappe, aucune parole d’homme ne lui est cachée. Il a disposé dans l’ordre les merveilles de sa sagesse car il est depuis l’éternité jusqu’à l’éternité, sans que rien ne lui soit ajouté ni ôté.

Des amis m’ont fait visiter la mine de Merlebach, une mine extraordinaire, peut-être la première mine d’Europe pour la qualité du travail humain, l’ingéniosité de la science, l’application technique, la maîtrise. C’est quelque chose de vraiment étonnant qui m’a envahi, de voir comment l’homme en Dieu est capable de récupérer pour l’utilité d’aujourd’hui, tout ce qui se passait à la période carbonifère.

Ces amis me posaient la question : « Qu’est-ce qui vous a le plus frappé ? » Et j’ai répondu : C’est comment hier devient aujourd’hui, parce qu’aujourd’hui dans la puissance de l’intelligence de Dieu, on va rechercher hier. Ah si les fougères géantes, du temps du carbonifère avaient pu s’exprimer, au moment où elles sombraient dans les forêts vierges, croupissaient, se décomposaient et faisaient de l’humus d’abord, ensuite de la tourbe, ensuite de l’anthracite ! … Si elles avaient pu penser qu'elles ressortiraient au jour et qu’alors elles soutiendraient la vie humaine de l’humanité du 20ème siècle pour pouvoir faire les progrès de la science, l’amélioration de l’existence humaine, la marche en avant, cette capacité !!!

Mais Dieu pensait déjà au temps du carbonifère, il était dans et avec les fougères, et il préparait les énergies d’aujourd’hui dont nous avons besoin pour que l’humanité puisse se développer, se multiplier, cent milliards d’hommes, ce n’est pas de trop ! Si on n’avait pas le charbon, si on n’avait pas le pétrole, si on n’avait pas ces énergies profondes préparées dans les temps lointains de la première évolution, la vie aujourd’hui serait impossible ; on en serait encore aux temps préhistoriques et il y a belle lurette qu’il n’y aurait plus un brin de bois sur la terre, tout aurait flambé comme dans la Cordillère des Andes ou ailleurs ! Oh tout a été mis dans le trésor, dans le ventre de la terre et voilà l’homme qui y va maintenant, avec cette intelligence que Dieu lui a donnée, avec ce cœur qu’il lui a donné ! Ce qui m’a le plus frappé au fond de la mine, c’est la noblesse du visage, de la démarche des mineurs en même temps que leur paix, majestueuse, je les ai sentis comme des rois. Dieu avec le monde.

Du temps du Siracide, on ne connaissait pas toutes les choses que l’on connaît maintenant, or voilà un homme émerveillé ! Alors aujourd’hui, toutes les découvertes de la Science, les applications de la technique, bien sûr qu’il y a les rectifications, qu’il y a un mauvais usage de l’atome… mais l’atome est bon, c’est fantastique cette réserve d’énergie et de puissance qui est au cœur de la matière ! Mais d’où ça vient ? Oh l’homme avec l’intelligence de son cœur inspiré par Dieu saura en faire une application, une utilisation merveilleuse, pour le monde de demain, transfiguré en gloire. Pressentiments, certitude, évidence.

… il est depuis l’éternité jusqu’à l’éternité. Que toutes ses œuvres sont dignes d’amour ! Il faut les voir comme des étincelles, ainsi on doit les contempler.

Osons-nous regarder les créatures, en ce qu’elles ont de positif, comme des étincelles ? Il faut considérer toutes les créatures comme des étincelles qui jaillissent d'un brasier.

Tout cela vit et demeure pour l’éternité et en toutes circonstances. Toutes ces étincelles prêtent l’oreille à leur brasier, elles lui sont dociles. Toutes les choses vont deux par deux, en vis-à-vis, et Il n’a rien fait de solitaire. Qui pourrait se rassasier de contempler sa gloire ?

Oui, chaque être a la mission de mettre la bonté de l’autre en valeur. Ainsi Dieu met ses créatures en valeur, les créatures mettent Dieu en valeur. C’est ce qui nous est demandé, à toute communauté humaine, c’est de nous mettre en valeur les uns par les autres, à la façon de Dieu. Cela c’est le don de Science.

 

Florin Callerand
le 27 Février 1987

"O Seigneur notre Dieu (Psaumes 8 et 104)", CD Tissage d'or 1 (Communauté de la Roche d'or)

Publié dans Textes de Florin, Chants

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