Voulez-vous me faire la grâce de venir ICI ?

Publié le par P. Florin Callerand

A Lourdes, on entend Marie dire : Voulez-vous me faire la grâce de venir ici ?
Je ne retiendrai que ce mot : "ici". "Ici", c’est le rocher de Massabielle. "Ici", c’est la source de Lourdes. "Ici", c’est l’anfractuosité dans le rocher, enfin, c’est Lourdes ! C’est vrai que Lourdes a été choisi. C’est vrai que la Terre Promise a été choisie. Ce n’est pas n’importe où que le Messie va venir. Ce n’est pas n’importe où non plus qu’Abraham va aller. Il arrive là où il est poussé par les inspirations de Dieu qui lui parle. C’est cette terre-là, pas une autre.

Cependant, Veuillez me faire la grâce de venir ici ! Si on osait véritablement entrer dans la reconstitution authentique, rapportée par Bernadette, de l’événement de Marie, il n’y a pas de doute que nous écririons "ici" en lettres majuscules. « Voulez-vous me faire la grâce de venir ICI ? », Bernadette, avec son patois bigourdan, disait en effet qu’à son endroit, dans une telle avenance d’attraction, Marie faisait la "ramasse". ICI, c’est le cœur de Marie. ICI, c’est le sein de Marie. Marie nous appelle à elle. Pendant quinze jours, Bernadette va aller ICI, près de Marie qui l’appelle. Et Marie va imprégner Bernadette comme une mère imprègne son enfant qui est dans son sein ou dans ses bras, de sa chaleur, de sa vitalité, de sa protection, sous le parapluie de son souffle. Et le petit est à l’aise, il est réconforté, il est reconnu, il est aimé. et il commence à pousser bien davantage que s’il n’est pas "ICI" dans les bras de sa mère.

Ainsi Bernadette va pousser, va grandir et, au bout des quinze jours, elle a changé du tout au tout ! Elle a fait des progrès. La preuve, elle va dépasser toutes ses compagnes de catéchisme. On l’avait collée des tas de fois, elle était incapable de répondre aux questions de catéchisme pour l’examen de première communion. Après les quinze jours, elle en saura sur Dieu, sur la vie authentique de communion à Lui, infiniment plus que toutes les religieuses, que le curé Peyramale, que tous les vicaires de Lourdes et que toutes ses camarades également, parce qu’elle a été ICI.

C'est dans la fréquentation de Marie, en ce lieu vivant, "en son sein" comme disent Grignion de Montfort et saint Maximilien Kolbe, "en" Marie, la fameuse préposition d’intériorité profonde avec Marie, c’est là que l’on reçoit cette formation de fils de Dieu, de communion à Jésus pour ne faire plus qu’un avec lui et entrer dans Sa destinée. Marie, c’est la terre dans laquelle la graine pousse et donne toute sa mesure. On ne fait pas l’économie de Marie…

Voulez-vous me faire la grâce de venir ICI pendant quinze jours ? C’était peut-être cela tout simplement, la convocation profonde, inexprimée, inexprimable qui était au fond du cœur de chaque retraitant... au moment où il s’est décidé à venir, il ne le savait pas ! Regardez bien : Marie, Mère de l’Église, s’adresse à tous les chrétiens et à tous les hommes : Voulez-vous venir ICI ? On ne fait pas l’économie de Marie.

Le jour du 15 août, nous célébrons l’Assomption de Marie, l’entrée de cette petite bonne femme, bien concrète et bien localisée dans le temps, dans le volume et dans l’espace, dans l’immensité divine, dans l’éternité divine, dans la Résurrection du Fils éternel de Dieu. Du coup, Marie devient notre contemporaine. À Lourdes ? ICI, en Terre Sainte, chez vous, partout où vous êtes, Marie vous dit : Tu veux venir ICI ?

Il y a, de par l’Assomption de Marie, la possibilité de la fréquenter immédiatement, autant que Bernadette Soubirous ne l’a fréquentée à Lourdes, autant que Jean, Marie-Madeleine, Matthieu à Capharnaüm – car Marie y était – et tous les autres ont pu la fréquenter. Le résultat, chez une Bernadette Soubirous, chez un saint Jean, chez une Marie-Madeleine, chez un Matthieu, c’est que l’imprégnation de Marie a fait ce qu’ils sont devenus. Matthieu, sans Marie, ce n’est pas Matthieu. Bernadette sans Marie, ce n’est plus Bernadette. Jean, sans Marie… Luc, sans Marie… ce n’est plus Luc ! Attention ! On ne fait pas l’économie de Marie. Et ce phénomène de fréquentation ne peut être vécu, pris au sérieux que si nous en avons l’intelligence, le pourquoi et le comment. Si Marie n’est pas à mon domicile par son Assomption en Gloire qui fait qu’elle échappe aux contingences du temps et de l’espace pour devenir ma contemporaine, comme Christ Ressuscité et en Lui qui est mon contemporain, c’est sûr que je ne peux pas la fréquenter. Mais… dix fois, vingt fois, cent fois par jour… du dedans de moi, Marie me dit : Tu viens ICI ?

ICI, c’est Elle ! « Écoutez, prêtez l’oreille, prédestinés ! s’écrie saint Louis-Marie de Montfort dans son Cantique spirituel. Je vais vous dire une chose à laquelle, tout d’abord, vous ne pourrez croire : Je porte Marie gravée en moi, avec des traits de gloire ! » Elle me porte dans son sein ! L’intériorité est réciproque !

L’Assomption de Marie, c’est ce qui fait qu’elle est au centre de Dieu, en Christ Ressuscité et qu’elle est au centre du monde, au centre qui est en moi, qui est en toi, car le centre du monde est unique : C’est tout Dieu pour moi, tout Dieu pour toi, tout Dieu pour les étoiles. Il n’y a pas d’ailleurs, il n’y a pas de distensions. Dieu est tout entier avec tous ses innombrables points à voir, à connaître, à aimer par le dedans.

C’est donc dans cette intériorité que nous avons la bienheureuse possibilité de la fréquentation à volonté de Marie, de jour, de nuit, où que nous soyons, quoi que nous fassions ! C’est bien de rêver au temps de l’Évangile d’il y a deux mille ans : ils en ont eu de la chance, ceux-là qui fréquentaient Marie ! Elle en a eu de la chance, Bernadette Soubirous ! Mais nous avons autant de chance que Jean et que Marie-Madeleine et davantage, autant de chance que Bernadette Soubirous et davantage. Quoi qu’il en soit, la vraie chance de Bernadette, ce n’est pas tellement encore au pied de la Grotte, mais c’est dans son cœur, là où elle reçoit l’écho immédiat de la voix fine qui lui parle. Voilà le secret de Bernadette. C’est notre secret, et c’est cela que nous vivons, tous les matins, au début de nos eucharisties et de nos journées dans la lecture lente, approfondie, de notre Consécration à Jésus par Marie.

 

Florin Callerand
26 janvier 1988

"Marie de tous les jours", CD Tissage d'or 2 (Communauté de la Roche d'or)

Publié dans Textes de Florin, Chants

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