La théologie des grottes
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Qui est
Enfin, les cavernes ont quelque chose de bon, parce que dans les cavernes, il y a une théologie qui se met en place. Et la théologie de Marie, ça a été celle-là pour commencer, la théologie de Jésus, celle-là pour commencer. Vous avez un beau passage dans l’évangile de saint Matthieu au chapitre 6 : "Quand tu veux prier, ne fais pas comme les pharisiens qui s’en vont sur la place publique, qui gonflent la poitrine et qui disent : Moi, je suis en train de prier. Quand tu veux prier, enfonce-toi dans ta grotte profonde." Il faut savoir que dans les grottes, il y avait plusieurs profondeurs. Il y avait ce qui était près de l’ouverture d’entrée, qui était légèrement murée avec une porte en bois, et plus on allait vers le fond, plus on allait dans l’obscurité d’une part et dans le grenier à victuailles où l’on entassait les vivres de survie, de subsistance. Et quand Jésus dit : "Quand tu veux prier, va-t’en dans la petite grotte secrète et là, tu prieras ton Père qui voit dans le secret", cela ne veut pas dire que Dieu notre Père ne voit pas ailleurs, dehors, en pleine lumière. Mais on dirait que Dieu ne voit bien vraiment que quand on fait secret authentiquement.
Il y a, dans toute personne humaine, un point intime, où personne ne peut entrer, pas même l’époux ne peut entrer dans ce secret de son épouse… Le mystère de Dieu, c’est une intériorité réciproque. Alors, de quoi s’agit-il dans la petite grotte ? Il s’agit de cette grotte, de cette cellule intérieure en laquelle Dieu vous parle cœur en cœur, pas cœur à cœur. Je citais un jour à Marthe Robin à Châteauneuf-de-Galaure telle parole de l’apôtre saint Paul dans son chapitre 13 de la première aux Corinthiens, où il dit : "Maintenant, Nous voyons de façon fragmentaire mais alors, nous le verrons face à face. Marthe Robin m’interrompt et me dit : « Vous croyez que saint Paul a raison de dire : "Nous le verrons face à face ?" J’ai tendu l’oreille, et Marthe Robin m’a dit cette chose : "Moi, je crois que nous nous verrons face en face." La réalité de Christ en nous, c’est de l’intimité profonde. "Et ce que tu donneras, dit Jésus dans saint Matthieu, à ton Père dans le secret, ton Père dans le secret te le rendra." Il y aura une intimité profonde.
A Lourdes, Bernadette avait découvert que dans la grotte de Massabielle, il y avait quelqu’un qui apparaissait et qui venait. Et alors, elle a fait rapport avec elle-même. Elle s’est rendu compte qu’elle était elle-même visitée dans le secret de sa personne, dans ce local qui s’appelait 'la prison', où avec ses parents, ses frères et sœurs, ils étaient entassés à six personnes dans seize mètres carrés; à quatre heures ou cinq heures du matin, dans sa grotte secrète et intérieure, la voix de Marie montait et lui disait: "Viens."
Alors Bernadette, réveillée, secouait son père et sa mère dans leur lit, sa sœur Antoinette, plus personne ne pouvait dormir, et il fallait partir à la grotte. Et c’est là qu’à la grotte, Marie, renouvelait, de façon externe, pour que la théologie pénétrât en nous, ce mystère de la profondeur. Il n’y a pas un atome, il n’y a pas une molécule... qui n’ait un secret intime dans lequel Dieu monte pour s’y exprimer. La théologie des grottes est capitale si l’on veut véritablement faire une retraite dans un Foyer de Charité. ça, c’est l’insistance première de Marthe Robin. Nous sommes tous, au-dedans de nous, en creux, comme disait saint Thomas d’Aquin, nous sommes des capacités de Dieu. Mais généralement, nous, nous voyons les choses à l’envers. Pour nous, un panier, un verre, une soupière, ce sont des capacités. On les remplit du dehors. Mais voilà, la créature n’est pas une capacité qu’on remplit du dehors. Si ! Par bon sens, vous ferez rentrer des tas de choses et des quantités de connaissances. Mais pour entrer dans la théologie des grottes, représentez-vous un bassin sur une place de vos villes, au centre duquel il y a un jet d’eau qui monte et qui le remplit jusqu’à le faire déborder. C’est une capacité qui est percée au fond, et ce n’est pas par le fond qu’elle se vide, mais par le fond qu'elle se remplit.
Tout être humain, toute personne humaine est ouverte, intérieurement, sur son Dieu. "Va dans ce secret et tu saisiras Dieu sur le fait, en train de te créer !" Et le jour où, intérieurement, dans votre grotte secrète, vous direz : " Mon Dieu, c’est Toi ! ", eh bien, vous serez entrés déjà dans l’éternité. Quoi qu’il en soit, c’est ce qui se passe au moment de ce qu’on appelle la mort. Et si on voulait faire des soins palliatifs authentiques vis-à-vis des malades, ce serait peu à peu, sans sermons, de leur révéler qu’ils sont habités par Quelqu’un qui les aime, qui les veut, qui les tire à lui et qui va les remplir par le centre d’eux-mêmes. Le jaillissement du souffle, c’est de Dieu.
Alors voyez un petit peu le conseil que donne Jésus : "Quand tu veux prier, ne va pas sur les places publiques, mais va-t’en dans le fin fond de ta grotte, là où tu as ton petit magasin avec ses silos, ses quelques rayonnages, le blé en réserve, les olives en réserve, le vin en réserve, quelques outres en peau de chèvre, etc., puis ferme la porte sur toi, là ! Et alors là, dans l’obscurité complète de nuit, prie ton Père qui voit dans le secret, et ton Père te le rendra." D’où le silence, le recueillement, l’invitation à descendre dans ce secret de la personne.
Une fois que cette expérience primordiale est faite, je ne peux pas ne pas voir mes outres d’huile qui sont à côté dans le magasin qui est tout au fond de la grotte. Je ne peux pas ne pas voir ce que je peux avoir comme biens et comme possibilités. Alors, j’ouvre ma porte, je sors de ma chambre secrète et je m’en vais faire pour les autres ce que Dieu fait pour moi. Et c’est cela, la logique qui s’applique aux créatures qui savent descendre au fond d’elles-mêmes et qui s’aperçoivent qu’elles sont don de Dieu, pour elles-mêmes, et pour qu’elles en fassent autant. Image et ressemblance de leur Dieu qui les donne à elles-mêmes. Et nous, nous ouvrons la porte et nous partageons ! S’il y a un secret à la Roche d’Or, dans la communauté, c’est uniquement celui-là. Et si les membres de la communauté ne vont pas dans leur grotte intérieure, là où Dieu maintenant les fait exister, là où l’écho de la parole que l’Eglise leur donne trouve son répondant principal qui est le Créateur, alors là, nous n’avons plus que des employés de maison. Nous n’avons plus que des gens qui, ne vivant pas de Dieu, ne peuvent, au maximum, qu’être bien gentils avec les autres, c’est tout. Mais le don de leur vie, ce n’est pas possible. Je ne peux donner ma vie que parce que Dieu se donne à moi. C’est ce qu’on trouve dans la théologie des grottes. Et c’est pourquoi nous invoquons Marie, Fille d’Israël, la troglodyte. C’est comme cela qu’elle faisait sa prière du matin et sa prière du soir. Que de fois, Jésus a dû la voir rentrer dans le fond de la grotte ! Puis elle en sortait avec un paquet d’olives qu’elle portait chez la voisine.
Voilà donc pourquoi nous prions Marie, parce que c’est une femme ordinaire, et qu’elle a su vivre l’extraordinaire dans l’ordinaire. Et c’est comme cela que le très-bas de sa vie commence à révéler le Très-Haut.
Florin Callerand
23 décembre 1994
"En humble place", CD Tissage d'or 4 (Communauté de la Roche d'or)
Pour voir les paroles du chant "En humble place"